46                           HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
séries les plus précieuses. Le fait se trouve confirmé par les nombreux articles consacrés à un tapissier parisien exclusivement occupé de la restauration des tentures malades. Jean de .Taudoigne ou de Jandoigne, c'est le nom de cet habile rentraiteur, peut à peine suffire, de 1388 à 1415, à l'entretien des pièces en mauvais état dont la réparation lui est confiée, soit par le roi de France, soit par le duc de Bourgogne, soit parles autres seigneurs de Ja cour.
Nous avons dressé naguère, dans VHistoire générale de la ta­pisserie, avec le concours de notre regretté collègue et ami, M. Alexandre Pinchart, une longue liste des tapisseries qui ré­clamaient les soins de l'habile artisan. Si on y voit figurer un certain nombre de sujets dont l'origine est restée inconnue, on y remarque avec surprise des tentoes sorties depuis une dizaine d'années à peine de l'atelier du fabricant.
Plusieurs autres ouvriers exclusivement occupés de rentraiture paraissent à côté de Jean de Jaudoigne. Ils se nomment Guillaume Dumonstier ou Dumoustier et Jean de la Chapelle, dit de Paris. Les nombreux passages qui les concernent prouvent que leur métier n'était pas une sinécure. A quoi donc passaient leur temps les gardes des tapisseries du roi, et Cirot, dit Frérot, et Àndriet Lemaire, le valet de chambre de la reine Ysabeau? A vrai dire, les voyages in­cessants de la cour leur créaient des occupations très pénibles; cependant, avec un peu plus de soin et d'attention, ces graves et fréquentes dégradations eussent été facilement évitées.
C'est merveille, quand on constate le peu de durée des tissus les plus riches et les plus solides, qu'il nous en soit parvenu quelques rares échantillons. Au reste, nous ne connaissons que deux tapis­series dont l'exécution puisse être placée au xiv° siècle : l'Apoca­lypse d'Angers, sur laquelle on possède un ensemble de renseigne­ments bien complet, et la Présentation au Temple, appartenant, ainsi qu'on l'a dit, à un artiste de talent, M. Léon y Escosura, et non au musée des Gobelins, comme le prétend à tort un récent ouvrage.
On avait fait remonter l'exécution de cette pièce au milieu du Xiv0 siècle; les fleurettes et rinceaux garnissant le fond lui assigne­raient, selon nous,.une daté moins ancienne. Elle serait seulement contemporaine du régne de Charles VI. Nous placerions son exé­cution entre 1480 et 1490. Sur les premiers sujets de Y Apocalypse d'Angers, en effet, le fond est sans ornement. C'est seulement à